Le dodo est un animal légendaire qui en fascine plus d’un. Certains émettent même des doutes quant à son existence. En même temps, ce gros poulet d’un bon mètre de haut a de quoi rendre dubitatif. Pourtant, le dodo a bien existé sur l’île Maurice. Pas bien longtemps pour l’être humain toutefois, car bien peu de temps a passé entre sa découverte et sa disparition.
Ces deux dernières années, l’entreprise américaine Colossal Biosciences a beaucoup fait parler d’elle. La compagnie de biotechnologie et d’ingénierie générique s’est lancé dans le pari fou de faire renaître sous la forme d’hybride le mammouth laineux. La firme ne s’arrête pas au pachyderme mythique, puisque le loup de Tasmanie est aussi dans le viseur de leurs outils d’édition génétique. Avec le dodo, animal emblématique de l’île Maurice ayant disparu depuis 350 ans, Colossal Biosciences vient d’ajouter une nouvelle espèce à sa liste d’espèces d’animaux à ressusciter…
Le dodo, symbole de la prédation de l’Homme
Moins de cent ans, c’est le temps qui sépare les premières observations du dodo de son extinction. On doit ces traces écrites à des marins néerlandais qui ont accosté sur l’île Maurice à la fin du 16e siècle. La perte est énorme pour la biodiversité, car cet oiseau était unique au monde. Le dodo s’est en effet développé pendant des millénaires en étant totalement isolé sur cette île voisine de la Réunion. Ce mode de vie insulaire a permis à l’oiseau d’évoluer tranquillement hors des prédateurs que l’on peut trouver dans d’autres zones.
Rappelons que pour les oiseaux, les ailes et leur utilisation consomment une grande quantité d’énergie. Comme le dodo n’avait pas besoin de s’envoler pour échapper à des prédateurs, il a préféré perdre cette faculté. Raison pour laquelle ses ailes étaient atrophiées, surtout si l’on prend en compte la carrure du dodo pouvant dépasser les 20 kilos. L’île Maurice avait en effet tout pour combler l’appétit de l’oiseau.
Pourquoi le dodo a-t-il disparu ?
De plus, ce manque de menace directe rendait le dodo peu craintif, notamment de l’Homme et des animaux qu’il a ramenés avec lui sur l’île. Oiseaux incapables de voler, les dodos nichaient à même le sol où ses œufs jouissaient d’une relative tranquillité. Une véritable aubaine pour les chiens, les rats, les cochons et les singes qui n’avaient plus qu’à se baisser pour s’en repaître. Le problème est qu’une femelle dodo ne pond qu’un seul œuf par an…
Chassé pour sa chair et ses oeufs tant par l’homme que par les nouvelles espèces introduites par les Européens, le dodo s’est éteint en une petite centaine d’années. Aussi brutal que définitif, cet effondrement écologique a donné son statut légendaire à cet animal pas comme les autres. Mais ceci, c’était avant que Colossal Biosciences ne veuille sortir le dodo des rayons d’histoire naturelle des bibliothèques.
Colossal Biosciences, le professeur Frankenstein des animaux éteints
Fondée en 2021, la jeune entreprise américaine a fait plus d’une fois la une des magazines scientifiques. Le but de Colossal Biosciences a de quoi faire parler, voire même grincer des dents. Avec des procédés d’ingénierie génique et de biotechnologie, comme les fameux « ciseaux » d’édition génétique Crispr-Cas9, la firme veut ressusciter des espèces animales disparues.
Le premier projet annoncé en grande pompe par Colossal Biosciences n’est autre que le mammouth laineux. Selon le calendrier annoncé par la firme, le pachyderme préhistorique devrait retrouver les steppes de Sibérie avant 2030. Pour justifier cette renaissance, Colossal Biosciences met en avant les avantages pour la préservation de la biodiversité et le rôle que le mammouth pourrait tenir dans la lutte contre le réchauffement climatique.
Selon l’entreprise toutefois, ressusciter un oiseau est bien plus compliqué que faire renaître un mammifère. Leur reproduction est en effet bien plus complexe. Pour ramener sur Terre le dodo, les scientifiques ont d’abord procédé à une analyse génétique poussée des cousins du dodo, éteints (le Dronte de Rodrigues) comme encore bien vivant (le pigeon de Nicobar). L’opération vise à isoler les gènes rendant le dodo si unique afin de sauvegarder les traits particuliers de l’animal. La poule servira ensuite d’hôte pour les cellules génétiquement modifiées afin de faire renaître le dodo. Pour réaliser cette prouesse, Colossal Biosciences se donne six petites années.
Pourquoi ressusciter le dodo ?
Tout d’abord, l’animal qui sortira des laboratoires de Colossal Biosciences ne sera pas le dodo qui s’est épanoui sur l’île Maurice il y a 350 ans. En revanche, tous processus derrière la naissance de cet hybride produiront énormément de savoirs scientifiques et permettront d’affiner les procédés d’ingénierie génétique.
Un des objectifs annoncés reste d’améliorer la compréhension du vivant afin de mieux l’adapter au réchauffement climatique. Il s’agit plus précisément d’un axe de communication fort pour la jeune entreprise : des oiseaux au bord de l’extinction à cause de l’impact de l’Homme pourraient profiter d’une adaptation génétique afin de les rendre plus résilients face aux changements climatiques.
Néanmoins, des voix critiques pointent le gâchis de ressources d’une telle entreprise. De même, les détracteurs mettent en avant la nécessité de sauver les espèces en danger plutôt d’attendre leur extinction pour agir. Encore inconnus, les risques liés à l’introduction dans la nature d’animaux génétiquement modifiés sont aussi pointés du doigt.
L’arrivée accidentelle d’espèces étrangère à un écosystème fait déjà courir des risques terribles à la biodiversité. Que va-t-il se passer pour des hybrides qui mélangent animaux venant parfois de loin et espèces éteintes ? Entre révolution scientifique majeure et apprentissage de la magie, Colossal Biosciences risque bien de se retrouver sur cette dangereuse ligne de crête pendant encore bien des années…
Quel est l’animal existant le plus proche du dodo ?
Le dodo (Raphus cucullatus), cet oiseau non volant endémique de l’île Maurice et décimé au 17e siècle par les activités humaines, n’a pas de descendance ni de lien direct avec une autre espèce aviaire actuelle.
Cependant, certains oiseaux non volants (ou ayant perdu leur capacité de vol) peuvent partager quelques caractéristiques ou traits évolutifs similaires à ceux du dodo. Un exemple pourrait être le casoar, un oiseau de grande taille originaire de Nouvelle-Guinée, d’Australie et des îles environnantes. Le casoar (Casuarius casuarius) est en effet un oiseau terrestre incapable de voler, bien qu’il ne soit pas étroitement lié au dodo.